Hommage aux petits exploitants agricoles

Article d'opinion du Dr Jacqueline Hughes, directrice générale de l'ICRISAT

La récente publication “State of Food Security and Nutrition 2022” report dresse un sombre tableau. Le nombre de personnes souffrant de la faim en 2021 est estimé entre 702 millions et 828 millions (correspondant respectivement à 8,9 % et 10,5 % de la population mondiale). Cela représente 150 millions de personnes de plus qu'avant la pandémie.

Le rapport commence par cette phrase inquiétante : "Alors qu'il reste huit ans pour mettre fin à la faim, à l'insécurité alimentaire et à toutes les formes de malnutrition (Objectifs de développement durable [ODD] 2.1 et 2.2, le monde avance dans la mauvaise direction."

La prévalence de la sous-alimentation (indicateur 2.1.1 des ODD) a bondi de 8 % en 2019 à 9,8 % en 2021.

Les disparités régionales demeurent, l'Afrique supportant le fardeau le plus lourd avec une personne sur cinq en Afrique (20,2% de la population) confrontée à la faim en 2021, contre 9,1% en Asie. Ensemble, ces deux continents représentent près d'un tiers de la population mondiale souffrant de la faim. En 2021, l'insécurité alimentaire modérée et grave a augmenté, 29,3 % de la population mondiale, soit environ 2,3 milliards de personnes, étant confrontée à une insécurité alimentaire modérée ou grave, et 11,7 % (923,7 millions de personnes) à une insécurité alimentaire grave. On observe également un écart croissant entre les hommes et les femmes en matière d'insécurité alimentaire. En 2021, 31,9 % des femmes dans le monde étaient en situation d'insécurité alimentaire modérée ou grave, contre 27,6 % des hommes. Cet écart de plus de quatre pour cent (4/%) a augmenté par rapport à l'écart de 3 pour cent (4/%) en 2020. Les indicateurs nutritionnels dressent un tableau similaire : "... on va dans la mauvaise direction".

Un producteur de sorgho dans la région de Sikasso au Mali. Photo : ICRISAT
Un producteur de sorgho dans la région de Sikasso au Mali. Photo : ICRISAT

Plus tôt cette année, le rapport 2022 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a documenté en termes très clairs les impacts généralisés et omniprésents du changement climatique d'origine humaine sur les écosystèmes, les humains et les infrastructures. Dans le cas de l'agriculture, le rapport indique clairement que l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des phénomènes climatiques extrêmes a réduit la sécurité alimentaire et hydrique, entravant ainsi les efforts déployés pour atteindre les ODD. Bien que la productivité agricole globale ait augmenté, le changement climatique a ralenti cette croissance au niveau mondial au cours des 50 dernières années. L'incidence croissante des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes a exposé des millions de personnes à une insécurité alimentaire aiguë et à une réduction de la sécurité de l'eau, l'impact le plus important étant observé en Afrique, en Asie, en Amérique centrale et du Sud, ainsi que dans les nations insulaires. Les ménages à faibles revenus de toutes les régions ont été gravement touchés. Les effets du changement climatique vont exercer une pression sur la production alimentaire et compromettre la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Le réchauffement climatique affaiblit progressivement la santé des sols et les services écosystémiques tels que la pollinisation, accroît la pression exercée par les ravageurs et les maladies, et compromet la productivité alimentaire dans de nombreuses régions.

La nécessité d'évoluer vers un système alimentaire résilient, durable, nutritif, plus productif et moins gaspilleur est aujourd'hui des plus pressantes. Les systèmes alimentaires actuels et les systèmes d'agriculture industrielle à grande échelle ne répondent pas aux besoins des pauvres et des marginalisés, tandis que les petits exploitants agricoles, qui produisent plus de 50 % des besoins alimentaires de la planète (certaines estimations parlent de 70 %), sont ignorés. Les petits exploitants agricoles qui produisent généralement de faibles quantités et rendements, n'ont pas les moyens nécessaires pour accéder aux marchés, utilisent peu de technologies agricoles et non agricoles et dépendent principalement de la main-d'œuvre familiale. Comme leurs exploitations sont petites et marginalisées, les niveaux de profit ont tendance à être faibles en raison des coûts de transaction élevés.

Une productrice de sorgho en Inde. Photo : ICRISAT
Une productrice de sorgho en Inde. Photo : ICRISAT

D'autre part, la contribution des petites exploitations à l'économie rurale peut être importante. On estime que les petits exploitants agricoles génèrent 40 à 60 % des revenus ruraux provenant des activités agricoles et non agricoles. Cela souligne l'importance de la petite agriculture dans l'économie rurale et prouve que l'agriculture peut être le moteur de la croissance pour la prospérité rurale.

Les politiques publiques ont un rôle essentiel à jouer pour que les petites exploitations agricoles puissent contribuer à la sécurité alimentaire et nutritionnelle en offrant des incitations appropriées aux producteurs. Cependant, les politiques favorisent souvent les gros producteurs qui peuvent générer d'importants excédents commercialisables. La bonne orientation politique implique le développement de mécanismes permettant d'accroître la participation du secteur privé au développement de chaînes de valeur au profit des petits exploitants. Ces mécanismes peuvent promouvoir le développement d'activités commerciales par les petits exploitants, réduire les coûts de transaction et instaurer la confiance entre les petits exploitants, les négociants et les transformateurs. Ces interventions doivent être adaptées pour refléter les caractéristiques des différentes chaînes de produits, leur niveau de développement, l'hétérogénéité des petits exploitants et les contraintes auxquelles ils sont confrontés, ainsi que la capacité du secteur privé à surmonter ces contraintes.

L'Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) estime que des projets tels que ceux soutenus par le secteur public ( comme le département du bien être tribal, du gouvernement de Telangana en, Inde) et le secteur privé (Fondation Walmart) ont prouvé que l'implication des petits exploitants dans le développement de chaînes de valeur se traduit par une augmentation du revenu des ménages, une autonomisation des femmes par la formation et la participation à la prise de décision, une amélioration de la nutrition et de la sécurité alimentaire des ménages et une amélioration de l'économie rurale. Si l'on donne l'impulsion politique appropriée, les petits exploitants agricoles peuvent jouer un rôle important dans l'inversion de la tendance à la régression dans la réalisation des ODD.

 

 

 

 

A propos de L'Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides

L'Institut International de Recherche sur les Cultures des Zones Semi-Arides (ICRISAT) est une Organisation Internationale pionnière engagée dans le développement et l'amélioration de l'agriculture en zones arides ainsi que des systèmes agroalimentaires, dans le but de relever les défis liés à la faim, à la malnutrition, à la pauvreté et à la dégradation de l'environnement qui touchent les 2,1 milliards de personnes vivant dans les zones arides d'Asie, d'Afrique subsaharienne et au-delà.

ICRISAT a été créé en vertu d'un Mémorandum d'Accord entre le Gouvernement de l'Inde et le CGIAR le 28 mars 1972. Conformément à l'Accord relatif au siège, le Gouvernement de l'Inde a accordé à ICRISAT le statut d'une "Organisation Internationale" spécifiée en vertu de l'article 3 de la Loi des Nations Unies (Privilèges et Immunités) de 1947 de la République de l'Inde, par le biais de la Notification Extraordinaire au n° UI/222(66)/71, datée du 28 octobre 1972, émise par le Ministère des Affaires Étrangères, Gouvernement de l'Inde.

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