En Harmonie avec la Nature : Une Perspective des Terres Arides sur le Développement et la Biodiversité
Tribune de Dr Himanshu Pathak, Directeur Général de l'ICRISAT

Chaque année, la Journée internationale de la biodiversité nous invite à réfléchir sur le tissu vivant qui soutient la vie : la biodiversité. Le thème de la célébration de 2025, « En harmonie avec la nature et le développement durable », met en lumière une vérité de plus en plus pressante : le développement durable doit aller de pair avec la préservation de la nature.
Nulle part cette réalité n’est plus évidente que dans les terres arides du monde. Couvrant 41 % de la surface terrestre, ces régions abritent plus de deux milliards de personnes et soutiennent 50 % du bétail mondial ainsi que 44 % des systèmes de productions agricoles (UNCCD). Loin d’être marginales, les terres arides sont essentielles à la sécurité alimentaire mondiale, à la biodiversité et à la résilience climatique.
À mesure que le changement climatique s’intensifie et que la croissance démographique augmente la pression sur les ressources, ces écosystèmes critiques sont de plus en plus menacés. Environ 20 à 35 % des terres arides sont déjà dégradées, et jusqu’à 45 % des terres arides africaines sont touchées par la désertification ; une crise qui érode la biodiversité, affaiblit les systèmes agricoles traditionnels et compromet les moyens de subsistance. L’homogénéisation agricole a également causé de lourdes pertes : la FAO estime que 75 % de la diversité des cultures a disparu au cours du siècle dernier, les variétés traditionnelles ayant cédé la place à des cultures génétiquement uniformes.
La Biodiversité dans les Terres Arides : Un Fondement pour la Résilience
Dans les régions arides, la biodiversité n’est pas un concept abstrait, c’est une question de survie. Ces terres, parmi les plus gravement touchées par le changement climatique, abritent une richesse de cultures hautement nutritives et sous-utilisées, des races animales indigènes, des savoirs traditionnels et des écosystèmes façonnés par des millénaires d’adaptation. Préserver cette richesse biologique est essentiel pour les communautés des terres arides, mais aussi pour la durabilité globale.
L’Institut International de Recherche sur les Cultures des Zones Tropicales Semi-Arides (ICRISAT), basé en Inde et actif dans les zones arides d’Asie et d’Afrique subsaharienne, collabore étroitement depuis plus de cinquante ans avec des partenaires nationaux et internationaux afin de promouvoir un développement agricole en harmonie avec la gestion écologique. L’un des engagements les plus anciens et les plus durables de l’ICRISAT est la conservation de la diversité des cultures.
Depuis les années 1970, la Banque de Gènes de l’ICRISAT à Hyderabad sert de sanctuaire mondial pour les espèces sauvages et cultivées apparentées aux cultures des terres arides telles que le sorgho, le mil, le pois chiche, le poids d’Angole et l’arachide. Aujourd’hui, en tant que l’une des 11 banques internationales de gènes sous l’égide du CGIAR, la Banque de Gènes de l’ICRISAT est une infrastructure multicultures qui conserve six des 25 cultures majeures protégées par les banques de gènes du CGIAR.

Signataire du Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l'Alimentation et l'Agriculture, l’ICRISAT a distribué près de 1,5 million d’échantillons de semences à des chercheurs dans plus de 150 pays. Une fonction majeure de la Banque de Gènes est la restitution de germoplasme perdu aux pays dont les collections nationales ont été compromises par des catastrophes naturelles, des conflits ou d’autres perturbations. À ce jour, l’ICRISAT a restauré plus de 55 000 accessions à 12 programmes nationaux en Asie et en Afrique, la Corée du Sud étant le bénéficiaire le plus récent.
Patrimoine Partagé, Responsabilité Partagée
Conserver des semences dans des chambres froides ne suffit pas.
La véritable conservation de la biodiversité est dynamique et elle vit dans les mains des agriculteurs et dans les assiettes des consommateurs. Elle prospère lorsque les communautés locales dans des environnements fragiles sont habilitées à s’adapter au changement climatique. Elle s’épanouit avec des sols régénérés, et elle soutient la vie lorsque la gestion durable de l’eau garantit une disponibilité tout au long de l’année pour soutenir à la fois les moyens de subsistance et les écosystèmes.

C’est pourquoi, à l’ICRISAT, fort de plus de cinquante ans d’expérience dans les écosystèmes fragiles, notre priorité reste les petits exploitants agricoles des terres arides. Nous encourageons une agriculture résiliente en réintroduisant des variétés traditionnelles de cultures, en remettant à l’honneur des cultures négligées et sous-utilisées le mil, et en restaurant les paysages dégradés par des pratiques durables de conservation de l’eau et de gestion des sols.
Réhabilitation des Variétés Traditionnelles
Les céréales des terres arides telles que le sorgho et le mil, autrefois négligées, gagnent aujourd’hui une reconnaissance mondiale. La déclaration de 2021 comme Année Nationale des Millets par le gouvernement indien, suivie de l’Année Internationale des Millets en 2023 par les Nations Unies, ont mis en lumière leurs bienfaits. Reconnus comme des Smart Foods ( bons pour le consommateur, le cultivateur (l’agriculteur) et le climat (la planète) , ces céréales sont non seulement riches en nutriments, mais aussi très résistantes à la sécheresse et à la chaleur.
Leur résurgence est opportune. Selon la FAO, plus de trois milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à une alimentation saine, et les carences en micronutriments restent répandues. Promouvoir ces cultures robustes à travers notre initiative Smart Food favorise la diversité alimentaire tout en construisant des systèmes alimentaires plus résilients à la variabilité climatique — un triple gain pour la nutrition, l’adaptation climatique et la biodiversité.
Restauration des Paysages Dégradés
La restauration des paysages dégradés est essentielle pour la régénération des écosystèmes et la conservation de la biodiversité. L’ICRISAT a démontré son efficacité dans les régions arides d’Asie et d’Afrique en intégrant la restauration des paysages à la conservation de l’eau, à la gestion durable des sols et à la régénération des agroécosystèmes. Des exemples notables incluent notre travail à Bundelkhand et Latur, en Inde, et dans le bassin versant de Yewol, en Éthiopie, chacun étant de modèles convaincants de transformation.

Ces initiatives prouvent à suffisance que protéger la biodiversité ne signifie pas freiner le développement mais que cela signifie l’orienter de manière régénérative, inclusive et durable. Cela signifie reconnaître que des écosystèmes sains soutiennent non seulement l’agriculture, mais aussi le bien-être humain et les opportunités économiques. Ce ne sont pas des priorités concurrentes mais ce sont des résultats interdépendants.
Regarder Vers l’Avenir : Un Futur Biodiversifié
Alors que la communauté mondiale se tourne vers l’avenir, les menaces qui pèsent sur la biodiversité, compris le changement climatique, la perte d’habitats, la dégradation des sols et l’uniformisation agricole continuent de croître. Mais il y a aussi des raisons d’espérer. Les outils pour enrayer la perte de la biodiversité et restaurer les écosystèmes existent déjà dans la science, dans les partenariats, et dans les savoirs vécus des communautés qui ont longtemps cultivé l’harmonie avec la nature.
Toutefois, la conservation n’est pas sans défis. Elle nécessite des investissements durables, des politiques favorables et souvent des choix difficiles. À mesure que nous accélérons les efforts pour atteindre l’Agenda 2030 pour le développement durable, le moment d’agir est venu — en investissant dans des solutions fondées sur la nature, en soutenant la conservation menée par les communautés, et en défendant des politiques qui placent la biodiversité au cœur du développement durable.
En cette Journée internationale de la biodiversité, souvenons-nous que le chemin vers un avenir plus résilient, équitable et durable commence par les choix que nous faisons chaque jour , sur ce que nous cultivons, ce que nous consommons et ce que nous choisissons de conserver.
À l’ICRISAT, grâce à notre engagement continu en faveur de la diversité des cultures, des systèmes alimentaires résilients et de la restauration des paysages, nous sommes fiers de cheminer aux côtés de nos partenaires en faisant des choix qui honorent à la fois les personnes et la planète, en particulier les 2,1 milliards d’individus qui vivent dans les zones arides.
L’harmonie avec la nature est plus qu’un thème. C’est une responsabilité que nous devons assumer avec urgence, détermination et un profond respect pour les systèmes naturels qui nous soutiennent tous.
Ce travail contribue aux ODDs 13, 11, 3 et 17.